Ecrit par
Adélaïde DE CERJAT
Publié le
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Média
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5 minutes
Facebook et Instagram annoncent une nouveauté avantageuse pour les artistes, artisans et commerçants. Dès lors, tout un chacun peut mettre en ligne sa boutique en ligne via son profil sur la plateforme. Une fonctionnalité qui permet de contourner les intermédiaires en charge de publicités et du marketing, et instaure une nouvelle relation directe entre l’offre et la demande.
Dès l’industrialisation, notre société entre dans une ère de consommation effrénée et diversifiée. C’est à partir des années 1950 que notre consommation ne devient pas uniquement centrée sur les besoins mais sur nos envies individuelles. En effet, c’est à cette époque qu’agences de publicité émergent suivies de nouvelles techniques de marketing et de branding. Les industries se sont faites les relais de nos envies et ont su cibler nos besoins. De ce fait, ils font indirectement de notre consommation un élément primordial de la société post-moderne. Toutefois, nous avons pu voir que l’accélération incessante des tendances et l’émergence de nouvelles marques ont fait que nous sommes véritablement moins en contrôle de ces envies. La diversification d’offres ainsi que notre individualisation de goûts ne sont qu’une illusion de notre liberté de consommation. De plus, la dématérialisation des achats permet de rendre immédiat celui-ci quel que soit notre localisation. Ce simple transfert du physique au virtuel accélère le rythme de notre consommation.
Récemment, les réseaux sociaux tels que Instagram et Facebook, deviennent un médium important de fidélisation de la clientèle pour les marques. Depuis quelques années, il est évident que beaucoup d’acteurs du marché décident de s’éloigner de la publicité plus traditionnelle (spots publicitaires, billboards, entre autres) pour se rapprocher de l’« humain » en tant que médium. En effet, psychologie et industrie sont souvent de bonnes alliées et beaucoup comprennent que pour sécuriser la consommation, il faut se rapprocher de la demande. Cette variété de choix au niveau des marques signifie que le client, en théorie, a plus de choix. Un sentiment qui, lorsqu’on y regarde de plus près, semble erroné. Aujourd’hui Facebook et Instagram lancent la fonction « boutique » qui remet en perspective la façon dont nous consommons et, surtout, notre rapport direct avec l’offre. En effet, tout membre de ces plateformes pourra directement partager ses créations et produits, et éviter de passer par des intermédiaires. Facebook et Instagram seraient-ils attirés par un marché plus direct entre offre et demande ?
Comme cités auparavant, la publicité et le marketing sont devenus de grands acteurs poussant notre consommation. Dernièrement c’est l’émergence et l’accélération du phénomène d’ « influenceur » qui remettent en doute notre liberté de choix concernant la consommation. Au cours des dernières décennies, ce terme se rattachait le plus souvent aux célébrités. La marque avait pour ambition d’associer son nom à l’aura de celle-ci et vice versa. Mais la célébrité demeure inaccessible et beaucoup de consommateurs ne peuvent se reconnaître dans de telles modes de vie. Plus récemment, les influenceurs deviennent donc plus « normaux » en apparence et sont le relais de marques dites plus accessibles. L’ « influencer marketing » devient donc alléchant pour les industries qui ne se chargent plus de produire de la publicité car les influenceurs se chargent de leur promotion, souvent gratuitement. Mais si les techniques de marketing évoluent, un outil a vraiment changé la donne dans le marché : les marques et les individus peuvent désormais associer un produit à une image publiée. Ainsi, l’audience peut retrouver le produit présenté en cliquant simplement sur un lien et être redirigée vers un site externe. Désormais, la création de la fonction d’e-shop permet de continuer ses achats directement sur les plateformes mêmes de Facebook et Instagram.
Le point crucial de cette innovation technique ? C’est bien l’avantage des échanges B2C. Ce nouvel outil devient un véritable levier pour le commerçant et tente de changer la donne des lois du marché contemporain. Facebook et Instagram tentent d’aller plus loin que de faire de nous des relais de boutiques, mais de devenir notre propre gérant. Les artisans, artistes, commerçants qu’ils soient magnats ou émergeants, rentabilisent donc sur leurs propres produits. Là où le modèle de B2C était avantageux pour les agences de communication ou de publicité qui se faisaient auparavant les relais de nos produits, le modèle B2C se caractérise par un retour à la discussion directe avec le client. En évitant l’intermédiaire, le vendeur est réellement en contrôle de la façon dont ses produits sont présentés. Le client, de ce côté, a possiblement plus de contrôle sur ce qu’il achète car la discussion humaine prône. L’achat se fait directement sur la plateforme et si un doute se fait présent, l’acheteur peut contacter le vendeur directement à travers Messenger, Instagram Direct ou WhatsApp (qui appartiennent tous à Facebook, rappelons-le). Une bonne façon de dire adieu aux longues attentes pour discuter avec les services clientèles.
Au-delà de l’avantage du B2C de ces nouvelles boutiques en ligne, il y a l’aspect alléchant de la gratuité. En effet, Facebook lance cette initiative en pleine pandémie mondiale qui touche les commerçants les plus vulnérables. Le processus de création d’une boutique est simple : il suffit d’avoir un profil, d’ajouter son catalogue et d’y associer les prix établis. Nul besoin donc de se créer un compte sur une toute autre plateforme (ex : Etsy, Shopify, etc) car nos informations sont déjà stockées sur leurs serveurs et sont pré-remplies. Surtout, on évite les frais d’inscription et d’abonnement qui sont souvent obligatoires et coûteux. Ici, Facebook et Instagram tentent de s’éloigner des subterfuges du branding et de centraliser la boutique sur le produit même. Le vendeur peut également personnaliser sa boutique selon ses envies et non selon les esthétiques d’une plateforme de vente externe.
Autre avantage de cette fonctionnalité ? La simplicité. N’oublions pas que ces plateformes ne sont pas uniques. Accepté par les plus jeunes générations, créer un site web, ou un profil esthétiquement attrayant reste une tâche qui peut s’avérer complexe pour tout individu voulant se lancer dans une carrière plus artisanale dès la retraite, par exemple. La centralisation des tâches rend le commerce plus accessible pour tous.
En décidant d’abolir les intermédiaires, et de permettre des échanges plus fluides et gratuits, Facebook et Instagram ont compris que le futur du capitalisme serait peut-être un retour à quelque chose de moins manipulateur, en apparence en tout cas. Si tout ceci semble remettre en perspective les relations entre le vendeur et l’acheteur, n’oublions pas que Facebook a annoncé sa cryptomonnaie Libra qui devrait s’installer courant 2020. Loin d’être neutre, l’institution Facebook pourrait bien essayer d’établir un monopole tout en subtilité.
Adélaïde DE CERJAT
Rédactrice
Créatrice de contenu, conseils en communication et journaliste freelance. Photographe aux heures perdues !
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